Du 17 octobre 1961 au 17 octobre 2009 : racisme et violences policières ainsi qu'un temoignage d'une personne

Publié le par AL 95

 

Comme l’an dernier et l’an prochain, Alternative libertaire appelle au rassemblement comme à toutes les initiatives contre l’oubli et pour la mémoire concernant le 17 octobre 1961. 

 


On ne se souvient pas souvent du 14 juillet 1953 où lors d'une  manif traditionnelle du PCF , des dizaines de personnes algériennes, marocaines ou tunisiennes manifestent pour la fin du colonia lisme. La police ouvre le feu : bilan 7 morts. On parlera plus facilement du 8 février 1962 et de la répression sanglante au métro Charonne contre les manifestants opposés à l’OAS. Dans cette mémoire, il ne faut pas oublier que le 17 octobre 1961 a été longtemps occulté lui aussi.

 

Lorsque éclatent les insurrections coloniales et que s’enclenche le cycle répressif avec les opé- rations de « maintiens de l’ordre », en France le mouvement anarchiste est confronté à une multitude de questions quant à son engagement et à ses choix . Anticolonialistes, rétifs à l’idée nationale et refusant les constructions étatiques par définition, ils doivent choisir entre la politi- que colonialiste de la métropole et les idéologies que proposent les mouvements de libération nationale. Les organisations anarchistes feront  des choix différents.

 

Notre courant communiste libertaire était représenté par la FCL (Fédération Communiste Libertaire) qui a disparu sous la répression. Entre Nov.  54 et juillet 56 le journal est saisi 7 fois, plus de 200 inculpations, cela se concrétisait par 26 mois de prison pour les responsables. Pierre Morain, ouvrier de la FCL sera le premier français emprisonné pour sa lutte contre la guerre d’Algérie. Certains seront porteurs de valises.

 

La répression policière du 17 octobre 1961 résulte bien d’une véritable terreur instaurée par le système de répression contre les militants algériens que Maurice PAPON construisit dès son arrivée à Paris au printemps 1958. toutes les initiatives de ce préfet s’inspirent de ses expériences en territoire maghrébin.

 

Aujourd’hui, dans le contexte actuel, où la question du « coloniale » envahit l’espace public, politique, médiatique avec les tentatives de rendre positives les périodes coloniales, l’apport, les bienfaits de la colonisation, les honneurs « officiels » aux anciens de l’OAS, que Besson veut organiser fin novembre un débat sur les symboles de république etc…  se pose toujours  le problème de la dimension répressive.

 

Car l’action de la police et des violences policières en l’an 2000 par rapport aux banlieues offre l’opportunité de réfléchir : qu’est ce qu’une répression « coloniale », que sont les violences « coloniales », par rapport à une répression et des violences qui ne le seraient pas. Comment démêler l’un de l’autre, articuler l’une de l’autre. La question est aussi posée pour ce passé de la guerre d’indépendance, de ces violences et de ses répressions.

La résurgence décomplexée du racisme qui s’exprime dans les blogs des journaux ou autres, qu’on voit exprimer ouvertement  par  la droite  au pouvoir ou la gauche réformiste est bien une vision raciste et déshumanisée de la population d'ascendante migratoire ou des anciennes colonies, ancrée profondément dans l’ordre colonial, « qui à l’instar d’un virus » menacerait  un ordre républicain.

 

Pour ce 48 ème anniversaire,  pour la vérité et la justice doit continuer le combat, la France n’a jamais reconnu sa responsabilité dans les guerres coloniales et le cortège de drames. Avec l’ensemble des associations, nous disons que la recherche de la vérité s’impose pour voir disparaître l’un des piliers du racisme dont sont victimes les citoyens ou ressortissants d’origine maghrébine ou des anciennes colonies.

Pour exiger :

La reconnaissance officielle du crime commis par l’Etat français les 17 et 18 octobre 1961.

La liberté d’accès effective aux archives pour tous et toutes.

pour une véritable remise en cause des violences qu'elles soient racistes ou policières  d’hier et d’aujourd’hui

soyons nombreux le sam 17 oct à 11 heures sur le pont d’Argenteuil (près parking salle Vilar à Argenteuil  et à 17 h pont st Michel à Paris



texte national
 

 

48ème Anniversaire

Vérité et Justice


Le 17 octobre 1961, des dizaines de milliers d’Algériens manifestaient pacifiquement à Paris contre le couvre feu discriminatoire qui leur avait été imposé par Maurice Papon, Préfet de police de Paris. Ils défendaient leur droit à l’égalité, leur droit à l’indépendance et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ce jour-là, et les jours qui suivirent, des milliers de ces manifestants furent arrêtés, emprisonnés, torturés ou, pour nombre d’entre eux, refoulés en Algérie. Des centaines, victimes d’une violence et d’une brutalité extrêmes, perdirent la vie aux mains des forces de police, suivant les ordres de leurs supérieurs.


48 ans après, la Vérité est en marche. Cependant, la France n’a toujours pas reconnu sa responsabilité dans les guerres coloniales qu’elle a menée -, en particulier la Guerre d'Algérie - non plus que dans le cortège de drames et d’horreurs qu’elle a entraînés ou dans ce crime d’Etat que constitue le 17 octobre 1961. Certains osent encore aujourd’hui continuer à parler des "bienfaits de la colonisation" et des honneurs "officiels" sont rendus aux criminels de l'OAS. Malgré un discours, parfois ambigu et contradictoire, sur le
passé colonial de la France, la politique menée par le Président de la République témoigne d'une réelle volonté de sa réhabilitation.


Le Ministre des Anciens combattants vient de rappeler la volonté du gouvernement de créer une "Fondation pour la mémoire de la Guerre d’Algérie", en application de l’article 3 de cette loi du 23 février 2005 dont un alinéa de l’article 4, aujourd’hui disparu, voulait initialement inciter les enseignants à présenter les "aspects positifs de la colonisation". Une telle Fondation risque de se retrouver sous la coupe d’associations nostalgiques qui voudraient pouvoir exiger des historiens qu’ils se plient à la mémoire de "certains" témoins. Or, pour être fidèles à leur mission scientifique, les historiens ont besoin de pouvoir accéder librement aux archives, échapper aux contrôles des pouvoirs ou des groupes de pression et travailler ensemble, avec leurs homologues, entre les deux rives de la Méditerranée. Or la nouvelle loi sur les archives votée en 2008 fixe des délais de consultation aux dossiers judiciaires qui retardera en particulier les recherches sur l’organisation criminelle de l’OAS que certains, au sein même du parti du Président de la République, cherchent à réhabiliter. La recherche de la vérité s’impose pour cette période sombre de notre histoire comme elle s’est imposée pour la collaboration vichyste avec l’Allemagne nazie. Ce n’est qu’à ce prix que pourra disparaître la séquelle la plus grave de la guerre d’Algérie, à savoir le racisme dont sont victimes aujourd’hui nombre de citoyens ou de ressortissants d’origine maghrébine ou des anciennes colonies.

 

Un certain nombre de collectivités locales ont baptisé des places à la mémoire des victimes du 17 octobre 1961 et nous appelons au développement de ces lieux de mémoire ainsi que la mobilisation de la population devant ces lieux déjà existant.
Pour exiger :

- la reconnaissance officielle du crime commis par l’Etat français les 17 et 18 octobre 1961
- la liberté d’accès effective aux archives pour tous, historiens et citoyens
- le développement de la recherche historique sur ces questions dans un cadre franco-algérien et international

Rassemblement : Samedi 17 octobre à 17 h. à la Place Saint Michel à Paris
Là où tant de victimes furent jetées à la Seine il y a 48 ans.

Organisations signataires : 17 octobre 1961 contre l'oubli, ACCA (Association Contre le Colonialisme Aujourd'hui), Les Alternatifs, Alternative libertaire, Les Amis de Max Marchand et Mouloud Feraoun, Association des anciens appelé en Algérie contre la Guerre, AMF (Association des Marocains en France) ANPREMEVO (Association Nationale pour la Protection de la Mémoire des Victimes de l'OAS), APCV (Agence de promotion des cultures et du voyage), ARAC (Association Républicaine des Anciens Combattants), ASDHOM (Association de Défense des Droits de l'Homme au Maroc), ATMF (Association des Travailleurs Maghrébins en France), CNAFAL (Conseil National des Associations Familiales Laïques), Au Nom de la Mémoire, CVJC (Comité Vérité et Justice pour Charonne), Droits Devant !!, FASTI (Fédération des Associations de Solidarité avec les Travailleur-euse-s Immigré-e-s), Fédération SUD Education, FTCR (Fédération des tunisiens pour une citoyenneté des deux rives), GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigrés), Harkis et Droits de l'Homme, Mouvement de la Paix, LDH (Ligue des Droits de l'Homme), MJC (Mouvement Jeunesse Communiste), MRAP (Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples), LO (Lutte Ouvrière), NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste), Les Oranges, PCF (Parti Communiste Français – National et Fédération de Paris), PS (Parti Socialiste), Réseau Frantz Fanon, Respaix Conscience Musulmane, Ruptures, Sud Education Hérault, SNPES-PJJ/FSU, URIF-CGT (Union Régionale Ile de France de la CGT), Union Syndicale Solidaires, Les VERTS, Au 13 octobre 2009 17h30



 

 

 

Si le fleuve pouvait parler…

 

Par Arezki Semache, journaliste, qui reprend le témoignage de Boussâd I., travailleur algérien témoin du massacre du 17 octobre 1961. Récit publié dans L'Humanité du 4 novembre 2000.

 

 

« J’étais logé, avec mon frère, chez mon oncle maternel, propriétaire d’un bar hôtel, rue Henri-Barbusse à la limite de Bezons. Les logements étaient insalubres et les rues étaient délabrées, mais la main d’ouvre manquait beaucoup à cette époque, car tout était à construire. J’ai tout de suite été embauché par Câbles de Lyon, à Bezons, où j’ai passé vingt-cinq années derrière une machine. Les nouvelles du pays n’étaient guère réjouissantes. L’OAS (Organisation de l’armée secrète) multipliait les attentats. Comble de malchance, quelques jours seulement après mon arrivée ici, le couvre-feu a été décrété le 1er septembre pour les travailleurs nord-africains dans Paris et sa banlieue, de 21 h 30 à 5 h 30. Les responsables du FLN (Front de libération nationale), convaincus de retourner l’opinion en leur faveur, avaient décidé de le boycotter en appelant à une manifestation pacifique à la Concorde ou à l’Étoile les 17,18 et 19 octobre, de 20 h 30 à 21 h 30. Le mot d’ordre était " pas une arme, pas un canif ". Mon chef, qui s’appelait Ali, et qui avait sous sa commande un groupe de cinq autres compatriotes, m’avait demandé de le rejoindre pour nous diriger tous ensemble vers Paris, le mardi 17 octobre à 8 heures du matin.

 

Le jour « J », nous avons pris le bus en direction de l’Étoile. Arrivés au pont de Neuilly, nous avons découvert que la police avait dressé un impressionnant barrage pour nous empêcher de rallier le lieu de la manif.

 

(Le préfet de police, Maurice Papon, avait engagé 7 000 gardiens et 1 400 CRS pour réprimer cette manifestation - NDLR.)

 

Il y avait des milliers d’Algériens qui étaient là et qui tentaient de converger comme nous vers l’Étoile. Ce fut un massacre terrible que je ne suis pas près d’oublier facilement, même si je ne ressens aujourd’hui aucune haine. Les violences commises par les policiers étaient d’une extrême barbarie. Ils nous ont entassés d’abord contre le mur, puis ils nous ont tabassés avec les crosses de leurs mitraillettes et les bâtons. J’ai vu des scènes horribles d’Algériens traînés par terre, les visages tuméfiés et ensanglantés. Certains policiers prenaient du plaisir à cogner sur les manifestants sans défense. Ils s’acharnaient sur eux comme des fauves et n’hésitaient pas à se mettre à plusieurs pour les rouer de coups de pieds quand ils tombaient par terre.

 

Je suis donc revenu le lendemain à Argenteuil en faisant un détour, avec d’autres compatriotes, par Poissy. La police avait dressé des barrages sur tous les ponts de la Seine pour contrôler, par Poissy. Deux personnes de mon village (C. Rabah et R. Belgacem) ont été jetées dans la Seine, durant la nuit du 18 octobre, à partir du Pont-Neuf près de la place du 11-Novembre, après avoir été ligotées et assommées. J’ai vu leurs cadavres de mes propres yeux, mais le bilan réel des victimes est, sans doute, beaucoup plus lourd. Il n’y a que le fleuve qui peut le dire, s’il pouvait parler… Les actes de violence ont continué contre les travailleurs algériens et leurs familles plusieurs jours après. L’actuel bar Au poussin rouge, rue Henri-Barbusse, a été mitraillé par des brigades spéciales. Les disparitions, les expulsions et perquisitions de nuit étaient monnaie courante. Des Français qui dénonçaient ces exactions, ont été eux aussi arrêtés et malmenés ».

 

 

 

Publié dans violence policieres

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